François Chaillou a choisi de partir en Italie pour suivre une formation artistique qu’il qualifie de classique.
À Carrare, sur les pas des grands maîtres italiens, il sculpte le marbre.
À son retour en France, le jeune artiste doit se défaire de l’excellence technique et d’un certain académisme. Il entreprend la sculpture à partir de matériaux naturels : des os, du bois, du lichen, de la cire et de la terre. Le corps reste le centre de sa réflexion plastique. Ainsi il moule les visages de ses proches ou bien des parties de son propre corps. Peu à peu, une fragmentation du corps est mise en œuvre. Des morceaux de corps sont assemblés entre eux, ils sont agrégés et engendrent une nouvelle entité, à la fois troublante et monstrueuse.
Les yeux constamment clos, elle erre entre le sommeil et la mort. Elle ne nous cherche pas du regard. Leur présence intemporelle regorge de métaphores existentielles.
La vie et la mort s’enlacent et s’entrechoquent en permanence au creux d’une pratique profondément inspirée par l’art funéraire. Reliques, masques mortuaires, ossuaires, vanités, embaumement, François Chaillou se fait le dépositaire d’un art où le profane tutoie le sacré.
À Saint-Flour, une figure protectrice est solidement ancrée au sol. Du bois de tilleul a progressivement surgi un personnage nu et assis. Ses yeux clos et sa position donnent lieu à une introspection, voire à une attitude méditative.
Il présente de sa main droite une autre figure, qui, elle, se tient debout. La statuette est conçue en cire naturelle. Au fil des jours, elle est soumise aux lois de la nature, aux intempéries, à la chaleur, au vent ou encore au passage des oiseaux. Sa dégradation est inévitable.
Elle est amenée à lentement disparaître. La statuette est à considérer comme une offrande, une figure sacrifiée qui nous renvoient à différentes cérémonies ancestrales, mais aussi à notre impuissance face au temps et à notre propre disparition. Malgré les apparences, les deux corps partagent cependant un devenir mouvant.
Si la statuette en cire est amenée à fondre progressivement, la statue, dont la silhouette semble plus solide et massive, est pourtant taillée dans le tilleul, un bois fragile et instable. Selon leurs propriétés physiques et les conditions climatiques, les deux corps vont connaître une dégradation et une transformation.
Les visages des deux sculptures sont légèrement tournés vers le sol, ils aspirent à la réflexion, l’intériorité et à l’infini. D’un point de vue plastique, François Chaillou entremêle différentes références issues d’arts primitivistes orientaux et occidentaux. Il envisage le primitivisme comme « un exotisme vers lequel on se dirigerait progressivement, un retour à l’origine non plus éclairé par la superstition mais par la science, science naturelle entre autre.
Le primitivisme est associé à l’idée de cycle, la vie se répète, et l’on perpétue des traditions, en imitant symboliquement des événements mythiques afin de préserver l’équilibre du monde. » Il opère ainsi à une forme de syncrétisme entre les statuaires d’origines égyptienne, romane, byzantine, mésopotamienne et africaine. Du bois et de la cire, l’artiste fait émerger un monument profane et exotique. « L’Exotisme n’est […] pas une adaptation, une compréhension parfaite d’un hors soi-même qu’on étreindrait en soi, mais la perception totale et immédiate d’une incompréhensibilité éternelle. »(V.S.) Exotique du fait de sa présence incongrue dans le paysage, mais aussi parce qu’il résulte d’une hybridation culturelle.
Il synthétise différents courants de l’histoire de l’art dans sa globalité et nous invite, à travers un voyage temporel et artistique, à tutoyer le Divers.
François Chaillou par Julie Crenn